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XI
PRÉFACE

Le sentiment historique repose avant tout sur l’idée du changement. Les théories littéraires du xviie siècle reposent sur l’idée d’un dogme immuable, d’un canon du beau, à jamais fixé pour tous les siècles. Ce que les humanistes du xviie siècle avaient fait d’instinct, sans réflexion, c’est-à-dire d’admirer dans les œuvres des anciens surtout ce qu’elles avaient de plus général et ce qui s’en pouvait le mieux détacher, et de prendre ces beautés pour modèles, le xviie siècle le fait par règle et par système. La poétique d’Aristote n’est plus simplement le résumé philosophique de l’expérience grecque en matière de poésie : c’est un code universel et absolu. C’est un texte sacré qu’on commente, une bible littéraire à l’interprétation de laquelle on applique, ou peu s’en faut, les méthodes des théologiens, avec toute la raideur intolérante d’une doctrine en possession de l’absolu. Les chefs d’œuvre des anciens ne sont pas seulement des créations vivantes et belles ; ce sont des types éternels sur lesquels on n’a plus qu’à se régler. L’abbé d’Aubignac, dans sa Pratique du Théâtre, le P. Le

    juste, il faut ajouter qu’à l’étranger, et grâce à la forte culture des universités, les élèves des érudits que je viens de rappeler portaient dans l’étude de la littérature, quand ils voulaient s’en mêler, un goût plus sûr et plus éclairé. Grimm, par exemple, élève d’Ernesti, jugeait beaucoup mieux les Grecs qu’on ne faisait en France à la même époque. Voir Correspond., 1er  janv. 1765, etc. Mais Grimm faisait alors moins de bruit que Laharpe ; et lui-même d’ailleurs portait plutôt en ces matières un dogmatisme éclairé qu’un sens profond de l’histoire.