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216 CHAPITRE IV. — L'ART DANS L'ILIADE

fluence même qu'il a exercée a prouvé par la suite que cette étendue n'était pas sans beauté. Eschyle n'aurait pcut-élre jamais conçu la trilogie drama- tique ni Hérodote le plan de son histoire, si V Iliade y avec son large développement, n'eiit été devant leurs yeux comme un modèle. Telle qu'elle est, elle fait naître dans l'esprit une idée de fécondité large et pourtant mesurée, d'abondance contenue, qui entre pour une part dans l'admiration dont elle est l'objet.

Cette mesure dans l'abondance est d'autant plus remarquable que l'honneur en revient à toute une série de poètes fort inégaux en mérite. Après tout, il eût été possible de grossir encore le poème actuel, et il n'était pas tellement fermé quand il parvint à son achèvement, que tout épisode nouveau en fut nécessairement exclu d'avance. S'il est resté ce qu'il est, c'est qu'à un certain moment poètes et public ont senti d'instinct qu'il n'y avait plus rien à y ajouter, et qu'en le développant davantage on l'alourdirait au lieu de l'enrichir. En ce sens, les dimensions de Y Iliade sont un remarquable indice de l'esprit de mesure qui a été de bonne lieure un des traits caractéiisliques du génie grec. 11 faut recon- naître d'ailleurs que le jugement naturel des poètes a du être éclairé et guidé en cela par les habitudes de la récitation publique. Celle-ci imposait une étendue nécessaire et à peu près uniforme à chaque chant isolé; celle étendue des scènes ])rincipales déter- mina indirectement celle du poème tout entier.

Mais tout cela n'aurait pas suffi à faire que toutes les parties du poème vinssent se rassembler d'elles- mêmes sous le regard, sans cette unité intime qui fut créée tout d'abord par Tauteur des chants pri- mitifs et que ses continuateurs respectèrent. C'est

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