DIMENSIONS DU POEME 215
ne devons pas oublier qu'elle est singulièrement courte en comparaison des immenses épopées de rinde. Le Ramayana et le Mahabharaia — ces puis- santes créations d'un peuple de même origine que les Grecs, mais d'un génie bien différent — font ressortir par le contraste celte brièveté relative de l'épopée grecque. Là le récit surabonde et déborde; un épisode devient un poème; tout y est immense, et le regard se perd dans les profondeurs d'une action confuse, comme dans l'obscurité d'une forêt impénétrable\ Ce sont des masses de poésie plu- tôt que des poèmes. Dans VIliade au contraire, tout est mesuré. Il en résulte que le poème, dans son entier, présente éminemment cette qualité qu'Aris- tote a si bien définie dans sa Poétique par le terme d'eidjvoiçTov*. VIliade^ comme il le dit, se laisse bien embrasser d'un seul coup d'œil. Lorsqu'on vient de la lire d'un bout à l'autre, on n'a pas d'effort à faire pour se la représenter tout entière : les parties essen- tielles reparaissent d'elles-mêmes dans la mémoire, et les autres, moins nettes, ne sont cependant pas tellement effacées qu'elles ne forment comme un fond à cette image poétique. On ne peut s'empôcher alors de remarquer que l'étendue acquise peu à peu par le poème dans ses accroissements successifs lui a donné une grandeur d'aspect que les chants primi- tifs ne possédaient pas au même degré. Et l'in-
1. Le Ramayana a environ quarante mille vers; le Mahabharata en a deux cent mille; Y Iliade en a moins de seize mille.
2. Aristote, Poétique, 23 : Aiô...xai TauTT)0ea:r^aioçav9av6(rj '*0(iT)po; noL^k Toù; àXXov;, Ttîi \Lrfiï lov TioXsfxov, xaiTîso ï/oyzoL àp/7)v xai TeXoç, iTzr/cipi^axi noiEîv oXov Xi'avYàoav {xe'Ya xal oux £utjvot:xov EtxeXXsv EasaOai îj Tôi (jlcYcOeî (XcToial^ov xaTa-cJiXcYîi-evov if^ noixiXta. Nuv 8' ev |i£'po; aTCoXotCôiv ÈTCStaoBtO'.; x£/Gr|Ta'. [aùttav] tîoXXoîç, oTov veûv xaiaX^Yco xai àXXot; s]cet90${ot(, oîç St«Xa[jL6av£'. ttjv irofr,atv (\V. Christ).
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