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220 CHAPITRE IV. — LART DANS L'ILIADE

lyse toute spontanée lui permet d'apercevoir dans chaque situation tout ce qu'elle contient d'intéres- sant; les conceptions complexes se décomposent d'elles-mêmes dans son esprit à mesure qu'elles y prennent naissance ; sa pensée est ordre et clarté. Mais dans cette clarté il n'y a ni froideur ni séche- resse. L'analyse instinctive dont nous parlons n'est pas celle de la réflexion qui ne laisse subsister que des abstractions. Ici, c'est l'imagination qui décom- pose, au moment même où elle crée, et tous les élé- ments qu'elle sépare sont vivants. Dans une action donnée, elle découvre des phases successives, toutes intéressantes, toutes tendant à une même fm ; dans un sentiment général, elle distingue des péripéties morales aussi vraies que délicates et variées. Le résultat de cette analyse, c'est donc la vie et le mouvement, mais le mouvement ordonné, progressif, toujours intelligible, la vie simpli- fiée, dégagée de ses obscurités, devenue, pour ainsi dire, toute claire et toute transparente. Rien d'extraordinaire dans de tels récits, presque point de merveilleux, car l'ordinaire, ainsi interprété, suffit à tout. Des coups de théâtre, parce que la nature humaine en comporte, parce qu'il s'en produit sans cesse en nous et autour de nous, mais des coups de théâtre vraisemblables, et jamais de ces soubresauts capricieux qui proviennent uniquement des fan- taisies individuelles d'un auteur.

Quel récit pourrait être comparé sous ce rapport à celui du combat d'Hector et d'Achille au vingt- deuxième livre ? Une série de scènes passent sous nos yeux ; l'hésitation d'Hector, sa fuite, le jugement des dieux, la tromperie si dramatique d'Athéné, le combat proprement dit, et enfin l'admirable dialogue entre le mourant et son vainqueur ; autant de péri-

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