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LES AUTRES PERSONNAGES 245

rang, sont caractérisés tour à tour par des traits individuels. Le courage impétueux et la fougue de Diomède, la vivacité de ses passions qui se marque dans son apostrophe à Paris*, ne ressemblent pas au sang-froid ni à l'énergie réfléchie d'Ulysse, non plus qu'à l'opiniâtreté muette d'Ajax, dont l'entôte- ment héroïque est si hardiment caractérisé par la célèbre comparaison traduite plus haut*. L'audace brillante du premier, le dévouement intelligent du second, l'intrépidité un peu lourde du troisième ont été conçus si nettement que tous les détails de la narration, actes ou paroles, descriptions ou compa- raisons, tendent également à faire ressortir ces différences. Et de là elles ont passé dans le reste du poème. Il en est de même pour les autres grands personnages. Chacun a sa physionomie propre : le vieux Nestor, avec sa sagesse bienveillante et son indulgence si heureusement alliée à l'énergie des conseils ainsi qu'à une liberté de réprimande qu'il revendique comme le privilège de son grand âge ; le noble Hector, si plein de toutes les affections humaines, si dévoué aux siens, si admirable dans la victoire et dans la défaite ; le malheureux Priam, pliant sous l'infortune, sans force morale en face de la destinée terrible qui le frappe, dépouillé même un instant de sa majesté naturelle par l'excès de sa douleur, et réalisant ainsi sous nos yeux la misère

��1. XI, 385 et suiv. : ToÇdra, XwCtjttJp, x^pa ocyXa^, :capOevo:ctTca x.T.i. C'est une invective amère et moqueuse, où chaque mot est un trait de raillerie et une vengeance.

2. Voir p. 245. Cf. Boileau, Réflexions critiques sur quelques passages du rhéteur Longin, IX, et la note de M"* Dacier sur ce passage du XI* livre dans les Remarques qui accompagnent sa tra- duction de V Iliade.

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