Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XVI
PRÉFACE

table historien, en matière littéraire comme en toute autre, est justement de saisir ce génie, de l’évoquer, comme disait Bacon, et de renouer la chaîne rompue des effets et des causes. Voilà ce que La Harpe ignorait absolument.

L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres commençait à le comprendre, et il serait injuste de ne pas tenir compte des efforts qu’elle fit au xviiie siècle pour découvrir dans les œuvres des anciens le reflet des circonstances où elles sont nées. Nombre de mémoires de l’ancienne série portent la trace de cette préoccupation. On veut expliquer avant de juger. Pindare, par exemple, était depuis longtemps en possession de scandaliser les partisans des modernes ; il offrait à leur ignorance des sujets de raillerie trop faciles. Fraguier, Chabanon, Vauvilliers le justifient en le faisant mieux comprendre. Les recherches de cette sorte se multiplient. Vers la fin du siècle, elles se résument et se couronnent dans un livre qui est à tous égards le chef-d’œuvre de ce genre d’érudition, le Voyage du jeune Anacharsis, de l’abbé Barthélemy. C’est la vie grecque dans son ensemble qu’étudiait le docte abbé. La littérature y avait sa place, et les récits d’Anacharsis faisaient passer tour à tour sous les yeux des lecteurs Platon philosophant à l’Académie ou au cap Sunium, l’Antigone de Sophocle représentée au théâtre de Bacchus, Xénophon dans sa retraite de Scillonte. Le voyageur scythe retrouvait à Thèbes le souvenir toujours présent de Pindare, à Lesbos celui d’Alcée