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XVII
PRÉFACE

et de Sappho. Les écrits des anciens, ainsi rattachés à la terre natale, pouvaient en devenir plus vivants, plus intelligibles aussi. Quelques-unes des pages consacrées par l’abbé Barthélemy à la littérature grecque sont au nombre des plus estimables de son livre, notamment celles où il parle de Pindare. Il y avait vraiment dans tout cela beaucoup de savoir et la marque d’un excellent esprit.

Le Voyage du jeune Anacharsis était-il donc de tous points un chef-d’œuvre ? Était-ce un de ces livres qui ouvrent à l’esprit des voies nouvelles, qui creusent à la pensée son canal pour une ou plusieurs générations ? Non ; c’était plutôt encore, ainsi que le livre de La Harpe, une honorable conclusion à un âge littéraire terminé qu’un recommencement et une entière nouveauté. Stendhal en a parlé quelque part avec son irrévérence habituelle : « Le pays du monde où l’on connaît le moins les Grecs, dit-il, c’est la France, et cela, grâce à l’ouvrage de l’abbé Barthélemy : ce prêtre de cour a fort bien su tout ce qui se faisait en Grèce, mais n’a jamais connu les Grecs. C’est ainsi qu’un petit maître de l’ancien régime se transportait à Londres à grand bruit pour connaître les Anglais : il considérait curieusement ce qui se faisait à la Chambre des pairs ; il aurait pu donner l’heure précise de chaque séance, le nom de la taverne fréquentée par les membres influents, le ton de voix dont on portait les toasts : mais sur tout cela, il n’avait que des remarques puériles. Comprendre quelque chose au jeu de la machine, avoir la moindre