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LA LANGUE DE L'ILIADE 267

extraordinaire. Elle se redresse brusquement, se précipite ou s'arrête avec un sentiment juste de l'effet qu'elle doit produire. Rien dans son allure qui rappelle l'uniformité un peu traînante des récits populaires. Elle a des tours pleins de vivacité, des surprises, des élans imprévus, elle sait détacher un mot comme un trait, ou le faire pénétrer comme un coup d'épée. Elle décrit comme elle veut par le son des mots, par leur place, par la façon dont elle les groupe ou les sépare*. C'est un art consommé asso- cié à une naïveté incontestable.

La langue homérique est d'ailleurs fort bien servie en cela par une versification à la fois très simple et très rythmée'. Au temps où les chants de V Iliade naquirent, l'hexamètre avait atteint déjà toute sa perfection. Grâce à une longue pratique, la rai- deur primitive avait complètement disparu. La variété de formes dont nous parlions tout à l'heure permettait au poète d'éluder avec une extrême faci- lité les gênes apparentes de la quantité. La structure du vers n'était d ailleurs assujettie qu'à un très petit nombre de règles absolues. La variété des césures en particulier offrait au génie poétique de grandes ressources et se prêtait à une foule d'effets. La pen- sée pouvait sans inconvénient dépasser les limites du vers; elle remplissait au besoin plusieurs hexa- mètres ou s'arrêtait au milieu de l'un d'entre eux;

��1. Notez des vers tels que celui-ci, remarqué et cite par Deoys (De compos. verborurriy 5) :

A^yÇe pto;, veupT) ôè [td^ W^v, àXto 8' 6ït:o;. L'art le plus raffiné n'a rieo imagioé de plus descriptif ni rien fait de plus habile.

2. Consulter sur ce sujet Drobisch, Untersuchungen ûber die Formen des Hexameter des Virgily Horaz und Homer, Bcrichte d. k. Sachs. Gcs. d. Wissensch., Philol.-hist. Cl., XX (1868).

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