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356 CHAPITRE VII. - L'ART DANS L'ODYSSEE

tion y éclate surtout à deux moinents, au début dans Tadmirable révélation d'Ulysse, à la (in, lorsque la tuerie est achevée, et que nous avons sous les yeux la cour pleine de morts et la salle pleine de sang. Quant au combat lui-même, c'est par l'étude des caractères et par l'ingénieuse invention des pé- ripéties qu'il nous frappe. Le triomphe du poète, c'est de nous montrer d'une part la colère impla- cable d'Ulysse, sombre et sûr de sa vengeance, de l'autre les sentiments variés des prétendants, leur effroi, leurs vaines adresses, leur désespoir ; c'est de cela qu'il fait son drame, et celui qu'il compose est admirable. Mais l'épopée ainsi conçue fait déjà pressentir l'histoire.

Voulons-nous dire que le récit dans V Odyssée man- que généralement de grandeur ? Rien n'est plus loin de notre pensée. Mais c'est une grandeur plus calme et plus égale. V Iliade nous ravit d'admiration, s'em- pare de nos âmes et les exalte puissamment. V Odyssée nous élève doucement jusqu'à une région de poésie sereine, dont elle déroule devant nous les larges et curieuses perspectives.

Cette différence se marque, pour ainsi dire, exté- rieurement dans un fait significatif, qu'on a plusieurs fois noté. Les comparaisons abondent dans Vlliade^ elles sont très-rares dans V Odyssée. N'est-ce pas parce que la comparaison, Icllc que les anciens poètes l'employaient, était une manière brillante d'idéaliser les choses, qui ne répondait plus au goût nouveau? Le récit du massacre des prétendants offrait au nar- rateur bien des occasions de mettre en usage ce procédé traditionnel ; il les a toutes négligées. Le combat est raconté dans les trois cents premiers vers sans une seule coniparaison, et c'est seulement à la fin, pour peindre hi dispersion effarée des vaincus et

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