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AMIS ET ENNEMIS D'ULYSSE 373

poète a su faire de lui une figure épique et lui prêter même une sorte de majesté patriarcale sans le grandir pourtant au delà des convenances de sa condition.

— Le bouvier Philœtios n'apparaît pas dans le récit avant le XV° chant. Son rôle est donc beaucoup moindre que celui d'Eumée, auquel il ressemble par son dévouement. Il se peint tout entier dans les paroles qu'il adresse d'abord à Ulysse sans le con- naître (XX, 199-225). Rien de plus délicatement observé que la manière dont le souci de son intérêt personnel se mêle au regret qu'il a de ne pas voir revenir son maître. C'est une nature droite et hon- nête, bien qu'un peu vulgaire, un bon et courageux serviteur, dont le poète n'a pas voulu faire un héros.

— Ajoutons qu'on aime chez ces deux humbles per- sonnages la simplicité de la vie antique, une rési- gnation courageuse aux peines nécessaires, l'accep- tation du labeur quotidien, l'attachement au foyer. Tout un état social dont l'histoire ne nous dit rien revit en eux. C'est là une cause accessoire d'intérêt, qui est puissante.

Le groupe des ennemis d'Ulysse est inférieur en valeur poétique à celui de ses amis. Le poète qui a créé les chants fondamentaux de la seconde partie de VOdyssée n'avait rien de Tesprit d'Archiloque. Il était sans doute trop bon lui-même pour bien repré- senter les méchants. Les prétendants sont dans le poème ce qu'ils ont dû être dans la légende, une foule bruyante, dissipée, insolente parfois, mais ils n'ont pas la rudesse de mœurs ni la violence d'ins- tincts que suppose leur rôle. Quand Florace les qua- lifie en badinant de nebiilones\ il emploie une ex- pression juste, bien que légère. Ce sont en effet de

1. Horace, EpitreSj l, 2.

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