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POESIE DE LA NATURE 519

86 rappelle la magnifique scène de labour et de mois- son qui est censée figurer sur le bouclier d'Achille * :

« Héphœsios y représenta une molle et vasle jachère, nou- vellement labourée, grasse et déjà retournée trois fois. Là de nombreux laboureurs, allant et revenant, poussaient leurs charrues sur plusieurs points à la fois. Et quand ils faisaient retourner Tattelage, arrivés à Texlrémité du champ, un serviteur venait leur mettre dans la main une coupe de vin délicieux. Ils revenaient sur leurs pas de sillon en sillon, ne songeant qu'à atteindre Textrcmilé de la jachère pro- fonde... Il avait aussi représenté un domaine couvert d'une riche moisson. Des serviteurs moissonnaient, ayant en main des faucilles tranchantes. Des poignées de blé tombaient à terre, drues et serrées, le long du sillon; d'autres, relevées par les botteleurs, étaient réunies en javelles. Trois botleleurs étaient debout : en arrière, des enfants ramassaient les blés par brassées, et les portant devant eux, les leur remettaient à mesure. Le maître, au milieu du champ, se tenait en silence sur le sillon, son bâton à la main, le cœur plein de joie. Des hérauts à l'écart apprêtaient le repas sous un chêne. Ils ve- naient d'immoler aux dieux un bœuf de grande taille et le faisaient rôtir; les femmes préparaient la blanche farine de froment pour le repas des serviteurs. »

Tout est large dans cette sereine et pacifique des- cription. La poésie de la nature ainsi comprise a quelque chose d'héroïque et de royal, qui convient admirablement à l'épopée. Dans VOdyssée^ nous Tavons remarqué, les choses sont déjà plus simples. Les étables d'Eumée, son habitation rustique, le mur bas de la cour tout tapissé des pousses du poirier sauvage, la rude existence qu'il mène là avec ses chiens de garde à demi féroces, la nuit passée auprès du feu, tout cela forme un tableau d'un genre plus familier, où nous voyons de plus près ce que devait être en ce temps la vie du paysan grec. Mais là

1. Iliade, XYIII, 541-560.

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