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LA BATRACHOMYOMACHIE 593

traits intéressants à un tableau dont une trop grande partie a été effacée par le temps.

��II

Rien ne marque mieux l'espèce d'avilissement des formes épiques dont nous venons de parler que le médiocre poème de la Batrachomyomachie, si indigne de la réputation dont le temps l'a environné. 11 a fallu vraiment la petitesse d'esprit des Byzantins pour donner quelque renom à cette épopée qui veut être plaisante, et qui n'est que puérile. Le poète ra- conte, en imitant les formes homériques, une grande lutte imaginaire entre le peuple des rats et celui des grenouilles. Ne nous demandons pas quelle est la portée de son œuvre, car elle n'en a aucune. S'il se proposait de tourner en dérision les grands sentiments des héros, nous pourrions nous intéres- ser à cette révolte d'un bon sens un peu vulgaire contre l'enthousiasme et les tendances idéales. 11 n'en est rien; ni cette idée, ni aucune autre du même genre ne l'inspire. Son œuvre n'est qu'un amuse- ment, et un amusement dénué de fantaisie. 11 n'y a réellement trace d'invention que dans la représenta- tion de l'armement des combattants et dans le choix de leurs noms ; au reste, silualions, épisodes, dis- cours, intervention des dieux, tout est imité de l'épopée. 11 aurait fallu pour animer cela quelque chose du génie de notre La P'ontaine ; c'est par la fine observation des mœurs des animaux et par le sentiment vif des choses de la nature, associés à un esprit satirique, qu'un tel récit aurait pu plaire ; au lieu de cela, tout se réduit dans la Batrachomyoma- chie à une sorte de drôlerie artificielle, dont le pro- cédé est si apparent qu'on s'en lasse dès le début.

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