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598 CHAPITRE XIII. — FIN DE LAGE ÉPIQUE

fond. Là, le rôve de la vie héroïque est dissipé; à peine si, de temps à autre, le poète nous le laisse encore apercevoir comme flottant dans le lointain. Quant à lui, il est tout entier aux choses présentes ; et c'est de ces choses même que sort sa poésie ; elle est faite des impressions quotidiennes qu'il en reçoit et des résistances que sa nature énergique y oppose. Le sentiment personnel y est puissant; elle impli- que une réflexion ferme et persistante, qui tend à prédominer sur l'imagination elle-même. Il est vrai que dans le même temps la poésie héroïque vit encore dans les longs récits du cycle ; mais l'in- fériorité même de ces récits semble indiquer que le sentiment public n'est plus entièrement avec eux. On tient sans doute à conserver la mémoire des choses passées, mais on veut vivre de plus en plus dans le présent. Si la poésie hésiodique est locale à l'origine, elle n'en traduit pas moins une manière de sentir qui est générale ; la naissance d'une lit- térature satirique, dont le Margitès peut être regardé comme le type, atteste que l'homme a pris la place du héros et qu'au plaisir de rôvcr on associe de plus en plus celui déjuger.

Voilà donc une tendance bien accusée, dont l'effet dernier ne pouvait être que de substituer à la poésie narrative une poésie plus personnelle. Mais il ne faudrait pas croire que celle-ci en naissant ait chassé l'aulrc au point de n'en rien laisser subsister. Non seulement la poésie épique a survécu pendant tout l'âge lyrique et au delà par les récitations des rha- psodes, mais elle y a exercé une influence de tous les instants. C'était elle qui avait constitué d'une manière définilive les principales légendes ; et ces légendes renfermaient à la fois presque toute l'histoire et toute la sagesse des siècles prérédenls; il était ini-

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