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INTRODUCTION

encore vigoureuse et suffisamment fidèle à ses origines[1].

Une chose particulièrement digne d’attention en grec, c’est la nature des finales. Les mots, quels qu’ils soient, ne se terminent jamais que par des voyelles ou par une des trois consonnes sonores ν, ρ, ς, cette dernière simple ou composée, ξ et ψ. Les Grecs fuyaient donc instinctivement les désinences sourdes ou rudes. Par suite, les mots se liaient les uns aux autres avec une facilité extrême, et la fluidité du langage en était accrue sans qu’il perdît rien en netteté.

Voilà pour la prononciation. La formation des mots mérite aussi quelques remarques. Les procédés de dérivation familiers au grec n’ont rien de particulier ; nous retrouvons dans beaucoup d’autres langues, et en latin notamment, l’emploi de suffixes analogues, qui permettent de tirer d’une seule racine un grand nombre de mots. Il ne semble même pas

  1. Les déformations de mots dont il est ici question sont sensibles lorsque l’on compare le grec au latin, par exemple l’éolien αὔως (pour αὐσως) et l’ionien ἠώς au latin aurora, le grec ἰός au latin virus. On trouve dans Hésychius des formes telles que καϊνίτα pour κασιγνήτη). On ne peut nier, ce me semble, qu’il n’y ait là un excès. Une langue s’affaiblit en effaçant ainsi des articulations caractéristiques. Mais les Grecs ont souvent résisté avec beaucoup de sens à cette influence fâcheuse. C’est ainsi que dans des formes verbales telles que λύσω, ἔλυσα, le sigma s’est heureusement maintenu, quelle qu’en soit d’ailleurs la raison (G. Meyer, Gr. Gr., § 224). Les aspirations ont toujours tenu une grande place dans le langage, malgré quelques divergences dialectales. Denys d’Halicarnasse les louait avec raison (de Compos. verbor., 14 : Κράτιστα μὲν οὖν ἐστιν ὅσα τῷ πνεύματι πολλῷ λέγεται… τὰ δὲ δασέα καὶ τὴν τοῦ πνεύματος προσθήκην (ἔχει) ὥστε ἐγγὺς τοῦ τελειότατα εἶναι ἐκεῖνα). Et il est à remarquer que l’usage vulgaire distinguait à peine les muettes fortes (π, κ, τ) des aspirées correspondantes (G. Meyer, Gr. Gr., § 206).