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INTRODUCTION

curieux que soit ce dialecte au point de vue de la linguistique, il ne tient donc qu’une petite place dans l’histoire de la littérature. Le lesbien avait, comme le dorien, quelque chose de mâle et de sonore, avec moins de rudesse et plus de grâce. Son accentuation, moins variée que celle de l’ionien, devait le rapprocher davantage du latin, auquel il ressemblait aussi, plus qu’aucun dialecte grec, par ses flexions.

Tout autre a été le rôle littéraire du dorien. C’est avec l’ionien la langue de la poésie, et son influence se fait sentir encore dans la période attique. La poésie lyrique chorale lui appartient dès l’origine et reste jusqu’à la fin dans sa dépendance. La gravité était sa qualité propre. Il recherchait les sons pleins, ceux de l’ et de l’ω principalement, avec une prédilection qui lui donnait une certaine lourdeur dans l’usage courant[1]. Mais le dorien littéraire y échappait par le mélange de formes, qui est commun à toute la poésie grecque.

De tous les dialectes grecs, l’attique est celui dont la fortune littéraire a été la plus brillante, et en qui se réalise le type le plus achevé de la langue nationale. Proche parent de l’ionien, le dialecte attique lui ressemble par l’atténuation des sons pleins, mais il s’en distingue par une fermeté que l’ionien a perdu de bonne heure. Plus serré dans la contexture de ses mots, il a toute la force désirable avec une certaine

  1. On connaît la jolie scène des Syracusaines de Théocrite, où l’étranger alexandrin reproche à Gorgo et à Praxinoa qui parlent dorien d’écraser tous les mots (v. 88, πλατειάδοισαι ἅπαντα). À quoi Gorgo répond fièrement, en assénant à l’interrupteur un des plus lourds adverbes de son vocabulaire, qu’elles parlent péloponnésien, πελοποννασιστὶ λαλεῦμες, tout comme Bellérophon de Corinthe en son temps.