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142 CHAPITRE III. — POÉSIE ÉLËGIÂQUB

Puissé-je boire leur sang noir, et qu'un dieu favorable me vienne en aide pour accomplir ces choses selon mes vœux K

Ailleurs, sa haine et son mépris s'expriment ironique- ment. Puisque la droiture ne sert de rien, il faut user de fourberie; il faut faire comme le poulpe, qui pread la couleur du rocher où il s'attache ^ — Parfois, il sem- ble près de désespérer :

Heureux, trois fois heureux celui qui, sans combats, des- cend dans la noire demeure d'Adès, avant d'avoir tremblé de- vant ses ennemis, avant d'avoir fléchi devant la nécessité *| avant d'avoir éprouvé le cœur de ses amis ^.

Le mieux pour l'homme est de ne pas naître et de ne jamais voir les rayons du soleil ; une fois né, c'est de passer sans re- tard les portes d'Adès, et de rester désormais couché sous un lourd monceau de terre s.

Cri d*amer désespoir, que la Grèce avait entendu avant Théognis et qui retentit encore après lui, mais qui con- vient particulièrement à la douleur de son âme blessée. Et cependant, ni la Grèce ni Théognis lui-même ne s'en sont tenus à cette parole comme au dernier mot de la sagesse. C*est là, chez une nature énergique, un cri de passion qui soulage le cœur, mais non une règle delà pensée. Ce poète haineux et désespéré sait aussi aimer, consoler, fortifier ceux qui souffrent. Il est capable de tendresse ®, d'esprit ^ de gaîté même. Il ne rejette pas le plaisir ; le cômos ne lui fait pas peur, à la condition

1. V. 349-350.

2. V. 215 et suiv.; cf. t. I, p. 7.

3. Je lis : Uph y' ix^poi»; wrrilai xal (»iro(m)v«t iztp àvaYXT). Le texte des mss. (ûirep6T|vai) est altéré, mais toute correction est douteuse. Ilartung dit que ces vers peuvent ôtre de Mimnerme. Pourquoi ?

4. V. 1013-1016.

5. V. 425-428.

6. V. 100, 655-656.

7. V. 303.

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