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THÉOGNIB 153

qu'il n'ôte pas aux buveurs toute leur raison. Si les vens adressés àSimonide sont de lui, comme c'est probable, jamais poète n'a chanté avec plus de grâce Ti vresse décente d'un buveur homme d esprit ^ — Ce qui rappelle pourtant, ici encore, le misanthrope et le pessimiste, c'est la facilité avec laquelle l'idée de la mort s'associe chez lui aux peintures de la joie et de la jeunesse. Il parle volontiers de la mort, presque toujours avec une vigueur d'expres- sion à la fois triviale et éloquente.

Je me joue dans la douceur de ma jeunesse; car longtemps ensuite sous la terre, quand j'aurai perdu la vie, je resterai couché comme une pierre sans voix, loin de Taimable lumière du soleil; et alors, quoique bon, je ne verrai plus rien '.

Jouis de ta jeunesse, ô mon âmel Bientôt vivront d'autres hommes, et moi, étant mort, je ne serai plus qu'un peu de terre noire 3.

Mon désir, ce n'est pas d'être couché après ma mort sur un lit royal; c'est pendant ma vie que je veux du bonheur. Quand on est mort, une natte, pour s'y coucher, vaut un tapis; qu'importe alors que le lit soit dur ou moelleux *?

On saisit dans ces passages l'une des qualités du style do Théognis, celte sorte de réalisme vigoureux qui est tout à fait original. Je ne parle pas de son dialecte qui est à peu près celui de tous les élcgiaques \ Mais son style proprement dit est très personnel. Les purs ornements poétiques sont rares chez Théognis; le fond de sa langue

1. V. 469-496.

2. V. 567-570. Des éditeurs, bien entendu, n'ont pas manqué d'attri- buer ces vers àMimnerme. Pourtant leôxrts XtOoc «ïÔoyto? et le iaXoç itov sonnent bien comme du Théognis. Mais il est convenu qu'on donne à Mimnerme tous les vers où il est question de la jeunesse.

3. v. 877-878.

4. v. 1191-1194. Le texte du dernier vers est altéré. Je lis (sans ôlre sûr de la yraie leçon) : Tî ÇvXov ei axXr.pbv yi^yexaii ^ (i«>«x6v;

5. Sauf quelques mots doriens (Xf,;, (Aro(r6a() et peut-être çà et là des formes comme (S(ji(jitv et àfipie (pour i^(aTv et rifiaç) ; encore ces der- nières soQt-oUes douteuses.

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