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THÉOGNIS 165

buste; dans les longs morceaux, les idées s'enchaînaient ivec aisance; les maximes alternaient avec le raisonne- ment; sur un fond ferme et sobre, se détachaient çà et là un mot expressif, une image vigoureuse ou délicate, un cri de passion éloquent.

Théognis avait conscience d'être un artiste. Il le disait dans ses vers à Kyrnos, et il écrivait lui-même son nom dans le prologue pour qu'on ne fût pas tenté de les lui dérober K Dans une autre pii'ce, il promet la gloire à son ami et il le lui dit en beaux vers :

Je t'ai donné des ailes pour voler sur la mer immense et sur toute la terre, mollement soulevé; dans toutes les fAtes, dans tous les banquets, tu seras présent, volant sur les lèvres des hommes; avec la flûte aiguë, dans les aimables festins*, la jeu- nesse lechanterad'uno voix belle et harmonieuse. Et quand tu seras descendu dans les retraites sombres de la terre, sous la demeure lamentable d'Adès, même alors la mort n'éteiïidra pas ta renommée; mais toujours présent au souvenir des hommes, gardant un nom immortel, ô Kyrnos, tu pnrcourras et la Grèce et les îles, à travers les flots inféconds de la mer pois- sonneuse, non porté sur les flancs des coursiers, mais con- duit par les illustres présents des Muses à la couronne de violettes. Partout où l'art des chants, même dans les siècles à venir, sera honoré, tu vivras, aussi longtemps que dureront la terre et le soleil 3.

On ne peut quitter Théognis sur un plus fier, plus poétique et plus pénétrant adieu.

Phocylide de Milet, dont la vie est d'ailleurs tout à fait

1. V. 19-23.

2. Je lis avec Bergk : èv xw{jloi; èpaToï;. Welcker lisait : evx6(r(A(i>; ipoLXoi.

3. V. 237-252. C'ost après ces vers que Théognis ajoutait un der- nier trait qui est un roprocho, et qui, par l'admirahle mouvement de tout le morcoau, prend un relief saisissant : « Et de toi, pourtant, je ne puis obtenir même un pou d'honneur; tes paroles me trompent comme si j'étais un petit enfant. »

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