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324 CHAPITRE V. — LA CHANSON

naïvement sensuelles, et un juge sévère pouvait s*en scandaliser. Mais il no faudrait pas croire non plus qu elles fussent grossières : un sens exquis du beau de- vait les en défendre. Dans le peu de vers qui nous en res- tent, ce qui domine, c'est l'amour de la délicatesse gra- cieuse *. Il était même capable d une réserve chaste. On le voit par une ode qu'il adressait à sa rivale en poésie, Sappho, et dont nous n'avons plus que les deux premiers vers ^. Ces deux vers font vivement regretter le reste, car ils sont délicieux par le mélange d'ardeur et de res- pect, par la grâce du sentiment et la réserve pudique de l'expression; l'ode entière devait être exquise :

Pure Sappho, à la chevelure de violettes, au doux sourire, j'ai quelque chose à te dire, mais la honte me retient.

Et Sappho lui répondait, avec une Gnesse toute fémi- nine :

Si tu avais le désir du beau et du bien, si ta langue ne mé- ditait aucune mauvaise parole, la honte ne couvrirait pas tes yeux, et tu dirais franchement ce que tu penses 3,

Enfin l'œuvre d'Alcée comprenait aussi des hymnes. Il nous reste quelques débris de trois hymnes à Apollon, à Hermès, à Athéna. Pausanias, qui mentionne l'hymne à Apollon, le désigne par le nom de proème *. On sait

1. Fragm. 62, 63.

2. Fragm. 55 (dans Hôphostiou, p. 85) ; cf. Aristote, Bhét.^ 1, 9 (p. 1367, A, Bekker). — Athônée (XIII, 599, C-D) cite une sorte de dialogue lyrique assez seinhlable, mais manifestement apocryphe (au moins pour une partie), entre Anacréon et Sappho. On peut être tenté d'en conclure que celui-ci ne m^^rito pas non plus une entière confiance. M. Flach (p. 470, note 1) ne croit qu'à l'aulhenlicilé des vers de Sap- pho. Gomme les vers sont dignes d'Alcôo et que nulle impossibilité chronologique ne force à les rejeter, je m'en tiens à la tradition.

3. Sappho, fragm. 28 (dans Aristote, loc. cit.),

4. Pausanias, X, 8, 9.

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