Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/235

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presque littérale d’un célèbre morceau d’Hésiode*. A prendre les choses en gros et d’un peu loin, il semble qu’Alcée ait presque voulu borner son rôle à mettre en chanson des vers que tout le monde savait par cœur ^ Quand on y regarde de plus près, on voit que la main de l'artiste se décèle par deux ou trois traits nouveaux et expressifs : la soif de toute la nature, la cigale dans le feuillage (chez Hésiode, elle est simplement « perchée sur un arbre »), et l’été enflammé desséchant toutes choses. Cela est à la fois large et précis : c’est surtout d’une grâce exquise, et le rhéteur Démétrius citait déjà les vers sur la cigale pour en signaler les heureuses métaphores ^

L’amour l’avait aussi beaucoup occupé : « Quoique d’un cœur belliqueux, dit Horace ^, il aimait, au milieu même des combats, ou quand il attachait au rivage son navire battu des vents, à chanter Bacchus, et les Muses, et Vénus, et l’enfant qui toujours l’accompagne. » Et Horace nous apprend tout de suite que Lycos, aux yeux noirs et à la noire chevelure, avait été l’un des objets de cet amour. Le grave Quintilien regrette qu’Alcée, ca- pable de plus hauts sujets, se soit abaissé si souvent à des jeux et à des amours peu dignes de son talent ^. Alcée chantait la beauté, et, selon l’usage grec, la beauté des éphèbes aussi volontiers que celle des femmes. Que les sens eussent plus de part que l'âme à ses amours, on n'en saurait douter; un petit signe noir sur un beau corps, suivant Cicéron, lui faisait l’effet non d’une tache, mais d’une lumière et d’une grâce ^ Ses peintures étaient

1. Travaux, 582-587. Cf. t. 1, p. 524.

2. Cf. le fragm. 83, aussi imité d’Hésiode.

3. De l'Élocution, 142.

4. Odes, I, 32.

5. Inst. or, y X, I, 63.

6. De Nat. Deor,, I, 28.