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336 CHAPITRE V. — LA CHANSON

et que son image orna des monnaies d'Erésos ^ On infère de là qu'elle avait, on matière de morale, les idées d'une honnête femme du xix* siècle. Bornons-nous à en conclure, sans trop insister, qu'elle était par les mœurs au rang des plus estimées de ses compatriotes, et qu'elle les dépassait par le génie. — Sur ce dernier point nulle obscurité, nul embarras.

Les poésies de Sappho formaient dans l'antiquité neuf livres. Il ne nous en resterait que des débris (cent soixante-dix fragments environ), si Denys d*Halicarnasse et Longin n'avaient eu l'heureuse pensée de citer deux odes à peu près entières. Cette division en neuf livres, due probablement aux grammairiens d'Alexandrie, était fondée en partie sur la nature des mètres et en partie sur celle des genres *. C'est ainsi que le premier livre se composait exclusivement de pièces écrites en strophes saphiques ; le second et le troisième, de pièces où les vers, semblables entre eux, étaient groupés en systèmes*, un autre encore, de pièces en vers asclépiades ; et qu'à côté de cela les Epithalames^ peut-être aussi les Elégies et les Hymnesy formaient des livres distincts '.

On voit quelle était la variété des poèmes de Sappho. Cette variété pourtant semble avoir été dans la forme plus que dans les sujets; au fond Sappho est avant tout la poétesse de l'amour et de la beauté. Ce qui change, c*est l'occasion de cet amour, c'est la nature des senti- ments qui s'y rattachent, tantôt plus personnels et tantôt

1. Pollux, Ofiom. IX, 84.

2. Voir, sur toutes ces questions, la note de Bergk en tête des Fragments de Sappho dans son édition des Lyriques (p. 874 des pre- mières éditions ; t. III, p. 82, de la 4«).

3. M. Luniak conteste Texistence des élégies de Sappho parce qu'Ovide lui fait dire (v. 5-6) :

Forsitan et quare mea sint alterna requiris Garmina. eu m lyricis aim magis apta modis.

Mais o'est trop presser les paroles d'an poète bel-esprit.

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