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242 CHAPITRE V. — LA CHANSON

Le ton qui domine, dans les fragments des épitha- lames, c'est la naïvclé gracieuse. Elle compare une jeune fiancée à un beau fruit, une belle pomme douce, toute rougissante au sommet de Tarbrc, sur la branche la plus haute :

Ceux qui faisaient la cueillette Toni oubliée; oubliée? non, mais ils n'ont pu ratteindre *.

Cette correction est bien naïvement spiriluelle. Et ceci encore, avec le jeu délicat des mots cpepeiv et àicocpépeiv :

soir, toi qui ramènes tout ce que disperse au loin la bril- lante kurore — tu ramènes la brebis, tu ramènes la chèvre, — voici qu'à la mère tu emmènes son enfant *.

On peut deviner, même à travers l'insuffisance d*une traduction, quelques-unes des qualités du style de Sap- pho : la justesse vive et le réalisme discret de Texpres- sion, l'éclat des images, la netteté de la phrase presque toujours courte, parfois d'une extrême douceur, mais parfois aussi rapide et vibrante. Il faut ajouter à ces traits ceux que toute traduction efface, la naïveté expressive du dialecte lesbien, la hardiesse des épiihètes composées, souvent accumulées avec une liberté toute lyrique, la liberté sonore du rythme. L'impression générale qui se dégageait du style de Sappho était celle dune douceur élégante, d'une grâce brillante et pure. Denys d'Halicar- nasse cite Sappho à côté d'Anacréon et de Simonide parmi les maîtres du style aisé, coulant, agréablement mélo- dieux ^ Cette appréciation est juste, mais il faut la bien entendre : l'élégance de Sappho n'est pas une élégance

1. Fragm. 93 (imité par Catulle, LXII, *6 et suiv.).

2. Fragm. 95 (imité par Catulle, ibid, 21-23). — Voir encore le fragm. 99, ayec la répétition du mot apao.

3. De V arrangement des mots, c. 23.

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