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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/255

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SAPPHO 243

timide et, pour ainsi dire, négative : elle n'exclut pas les extrêmes; elle les unit harmonieusement; elle est à la fois gracieuse et forte, naïve et savante, spirituelle et passionnée, mais tout cela finement, légèrement, sans appuyer sur les détails, qui sont entraînés dans un mouvement facile et doux.

Finissons par une traduction, celle de l'ode même que cite Denys à l'appui de son jugement, et qui est certainement en effet, par la grâce spirituelle du tour, par le mélange de finesse et de naïveté, par la sobriété harmonieuse de la composition, un parfait exemple de l'élégance do Sappho :

 Déesse au trône éclatant, immortelle Aphrodite, fille de Zeus, habile aux ruses, ne laisse pas, je t'en prie, ô déesse, mon cœur succomber sous les calamités et les souffrances. 
 Viens ici, comme cette autre fois déjà où, docile à mon appel, tu quittas les parois d'or de ton père et descendis vers moi : 
 A ton char étaient attelés de beaux passereaux rapides, et au-dessus de la terre obscure leurs ailes battaient l'air à coups pressés, t'en traînant du ciel à travers l'espace éthéré; 
 Ils arrivèrent aussitôt. Et toi, ô bienheureuse, souriant de tes lèvres immortelles, tu me demandas ce que j'avais, et 

pourquoi je t'appelais,

Et quels vœux formait mon cœur en délire : « Qui souhaites-tu de persuader? Qui veux-tu gagner à ton amour? Qui te fait souffrir, ma Sappho?

Celle qui te fuit, bientôt te cherchera; elle refuse tes présents, elle t'en donnera; si elle ne t'aime pas, elle t'aimera bientôt, même malgré elle. 1 »

Viens donc aujourd'hui encore; tire- moi de mes durs soucis; accomplis les souhaits de mon cœur et accours toi-même à mon aide 2.

A côté de Sappho, les anciens citaient quelquefois les

i. Je lis xcoûx êOIXoi<ra, avec Bergk, et non xoiCix ê6éXot<rav. 2. Fragm. 1.

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