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ANAGRÉON 247

temps les armes : il racontait, probablement en souvenir d'Archiloque et d'Alcée, qu'il avait fui en jetant son bou- clier *. L'aventure, peut-être on partie imaginaire, doit sans doute se rapporter au temps de la guerre d*Harpa- gos. Quoi qu'il en soit, il n'y arien, chez Anacréon, du soldat de profession ni du mercenaire aventureux. C'est essentiellement un poète de cour, un ami du plaisir, qui a passé un demi-siècle à se couronner de roses, à chanter l'amour et le vin, et qui, ayant gardé jusqu'à la Gn cette belle humeur folâtre, est resté dans la mémoire des hom- mes comme le type même do la légèreté aimable et bril- lante.

Les œuvres d'Anacréon formaient, à l'époque alexan- drine, cinq livres ^. Nous n'en avons plus que des frag- ments fort courts, provenant presque tous de chansons d'amour et de chansons de table. On demandait un jour au poète pourquoi ses hymnes, au lieu d'être consacrés aux dieux, avaient pour objet de beaux enfants : « C'est que, dit-il, ce sont là nos dieux ^ » Le mot n'a pas besoin d'être authentique pour être vrai : il caractérise exacte- ment l'inspiration d'Anacréon. On trouve pourtant, parmi les vers qui nous restent de lui, deux fragments adressés l'un à Artémis, l'autre à Dionysos, et que les éditeurs rattachent à des hymnes : le premier est trop court pour qu'on en puisse bien voir le sens; le second, un peu plus long (et que Ion considère on général, sans beaucoup de raison, comme une prière complète) aboutit à ces mots : « Conseille à Cléobule, ô Dionysos, d'accueillir mon amour » ; cela suffit pour en montrer le caractère. D'hymnes proprement dits, sévères et graves, Ana- créon n'en a jamais composé : s'il lui est arrivé d'in- voquer parfois une divinité qui ne fût pas Éros, ou Aphro-

\. Fragm. 28 et 29.

2. Crinagoras, dans VAnlhologic Palatine, IX, 239.

3. Schol. Pind., hlhm., II, 1.

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