Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/407

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premiers mots que Médée adresse aux Argonautes sont appelés par Pindare « la première assise » de ses sages paroles, et celle qui parle « pose » cette assise comme on pose la première pierre d’un édifice *. Voici plus loin, toujours dans la même ode, les « clous de diamant » à Taide desquels le danger retient et maîtrise ceux qui le bravent ; puis les « bouillonnements » de la jeunesse ; puis le « fouet » du désir. Les mots expressifs et brillants, comme cpXéyeiv {enflammer^ puis éclairer^ iilumiîier au sens métaphorique), SiaiOjçceiv (emicare), sont chez lui d’un emploi fréquent. Il a peu de comparaisons ; amples et nombreuses chez Homère, elles sont chez lui rares et courtes. Mais les métaphores abondent; elles forment presque le tissu même du style. Voilà pour Texpression des idées abstraites. A côté de cela, s’il s’agit d’exprimer une idée concrète, très souvent le mot abstrait intervient. Parlant des Symplégades, ces rochers qui se resserrent l'un contre l’autre pour étouffer les navigateurs, Pindare dit : (( L’inexpugnable mobilité des pierres qui se rapprochent- ». Ailleurs, Jason invoque» les élans, rapides conducteurs, des vents et des flots ^ ». Quand Homère disait « la force de Patrocle » pour « le fort Patrocle », il faisait quelque chose de semblable. Mais ce procédé, chez Homère, était d’un emploi très limité : la naïveté de l’imagination épique s’y prêtait peu, Chez Pindare, au contraire, le nombre de ces locutions est extraordinaire ; elles donnent à tout son style un caractère frappant de concentration rapide et profonde ^. Il aime aussi à mettre les mots abstraits au pluriel. Le pluriel, suivant la remarque

1. Ibid., 245.

2. Ibid., 370.

3. Ibid., Sic.

4. Le lyrisme antérieur à Pindare en use beaucoup aussi, moins pourtant que Pindare ; dans la tragédie attique, cette manière de parler devient très fréquente, surtout dans les chœurs.