ENCHAINEMENT DES IDÉES 399
phrase do Pindaro pourrait se couper en trois ou quatre plus courtes ou au contraire s'allonger sans que Téco- nomie intime en fût détruite. A la lecture, cette ampleur semble quelquefois lâche et un peu flottante. Mais la poé- sie de Pindaro n'était pas parlée : elle était chantée. Il résultait de là que ces liaisons plus ou moins logiques échappaient à loreille et à l'esprit, et que toute la lu- mière tombait sur les mots saillants, sur les mots poéti- ques et brillants qui formaient comme la broderie du discours, tandis que les autres en étaient seulement le canevas invisible.
Souvent Pindare prend pour point de départ d'un dé- veloppement la réalité présente, et, s'élevant peu à peu, arrive graduellement , par une chaîne plus ou moins longue d'associations, à Tidée, au mythe, au fait le plus éloigné des circonstances d'où il est parti. Mais très souvent aussi sa pensée suit une marche inverse; au lieu d'aller du particulier au général, elle chemine en sens con- traire ; au lieu de monter, elle descend. Sans cesse, Pin- dare commence par exposer une idée générale étrangère en apparence aux faits particuliers qu'il devrait avoir en vue, mais à laquelle il rattache tout d'un coup ces faits comme à leur cause et à leur principe. C'est, par opposi- tion à Tordre sensible et lyrique, un ordre plutôt didacti- que et gnomique. Il est néanmoins très ordinaire chez Pindare et contribue à caractériser sa poésie. C'est de là que lui vient en partie cette gravité presque religieuse qui a tant frappé ses admirateurs. De là aussi quelque obscurité pour un lecteur peu au fait des habitudes du ^ poète. Celui-ci dédaigne de marquer d'avance le terme où il tend; il s'avance librement à son but, sans prendre soin de compter ses pas.
Il y a, dans les odes de Pindare, plusieurs sortes de sujets : d*un côté des choses actuelles, des allusions de circonstance, des conseils moraux ; do l'autre, des récits
�� �