Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/490

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exemples et une sorte d’initiation ; elle lui a même emprunté quelques-uns de ses cultes, c’est-à-dire une partie de sa vie morale. Pourquoi ne lui aurait-elle pas emprunté aussi quelque chose de sa science ? Il est très certain que pour l'observation des astres, pour la géométrie, pour la connaissance des nombres, l’Orient a dû être en partie le maître de la Grèce. Mais il y a une différence essentielle entre des notions pratiques de calcul ou d’astronomie et une philosophie fondée sur ces notions. Ce qui caractérise la Grèce, c’est d’avoir dépassé audacieusement le terre-à-terre des notions pratiques pour bâtir un système du monde, et cela non point à la manière inconsciente des théogonies, échos mythiques d’une tradition impersonnelle, mais avec la claire et calme affirmation d’une science qui ne veut relever que de la raison. Or ce n’est pas l'Orient qui a pu enseigner à la Grèce cette liberté hardie de l’intelligence. S’il lui a suggéré des solutions particulières, il ne lui a pas donné l’esprit de curiosité scientifique ni l’esprit de synthèse. Il a fourni des aliments à la pensée grecque, mais il ne lui a pas communiqué la hardiesse à concevoir, la liberté de choisir et de combiner, l’indépendance, toutes ces qualités enfin qui sont le fond même et l’essence de l’esprit philosophique. Aussi, quoi qu’on doive penser peut-être des relations plus ou moins problématiques de tel philosophe grec avec l'Orient, il est permis de dire que la philosophie grecque, à la considérer dans son esprit, est originale : car les notions mêmes qu’elle a pu emprunter ailleurs sont devenues siennes par la valeur toute nouvelle qu’elle leur a donnée.

L’originalité de la philosophie grecque se montre dans la logique qui préside à son développement. On voit en effet les doctrines et les méthodes sortir les unes des autres, se combattre, se compléter, avec une régularité qui exclut l’idée d’une induence extérieure prépondérante.