Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/509

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

phane nous échappe en grande partie. On peut cependant en entrevoir quelque chose.

Un des traits qui frappent d’abord dans ces fragments, c’est le sentiment plusieurs fois exprimé de la faiblesse de l’esprit humain et des obscurités qui Tenvironnent.

Sur ce que je dis des dieux et de toutes choses, aucun homme n*a jamais été ni ne sera qui puisse connaître exactement la vérité. Son langage fût-il aussi parfait que possible, lui-même n’en saurait rien ; l’apparence règne en toutes choses K

En d’autres termes, l’homme, suivant le mot de Pas- cal, ne sait le tout de rien. Il est curieux de trouver ce sentiment si vif presque au début de la philosophie. Cela dénote chez Xénophane un esprit remarquablement ferme et maître de soi. Qu’on ne s’y trompe pas, pourtant : Xénophane n’est pas un sceptique à la Montaigne ; il ne renonce pas à chercher le vrai; il s’y attache, au contraire, avec ardeur, et il proclame avec force ce qu’il croit tel ; il espère même en un certain progrès de la science^. Mais il fait des distinctions. Ce qui lui parait le plus douteux, ce sont les théories des Thalès et des Anaximandre sur la nature des choses visibles : ce qui lui parait le plus certain, comme plus tard à Parménide, c’est la nature de l’être divin.

Xénophane est le premier Grec qui ait parlé du Dieu unique avec un sentiment d’adoration tout à fait profond et conséquent : c*est déjà l’accent d’un platonicien ou d’un

un poème théorique et suivi sur l’origine des choses, ou si les fragments philosophiques qui nous restent de lui n’avaient pas tous appartenu à des ouvrages d’autre sorte, par exemple à des poèmes satiriques contre Homère ou Hésiode. Cf. Tannery, p. 128. Cette dernière opinion est peu vraisemblable. On ne voit guère comment certains détail de cosmologie auraient pu trouver place dans des poèmes dirigés contre Homère ou Hésiode. Le ton d’ailleurs en est souvent grave et didactique, nullement satirique.

1. Fragm. 14. Cf. fragm. 15.

2. Fragm. 16.

Hiit. d« U Litt. grecqa«. — T. lU 82