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534 CHAPITRE IX. — PHILOSOPHIE ET HISTOIRE

bitative (« il me semble », ^oxseï \u>i); il discute avec finesse et clarté; il porte dans l'expression des idées philosophiques une souplesse insinuante où se révèle déjà le contemporain d'Hérodote.

Après Diogène d'ÂpolIonie, Theure du scepticisme était arrivée. La philosophie grecque, depuis un siècle, s'était élancée dans tous les sens à la recherche de Tinconnu. Nulle difficulté n'avait rebuté son courage. A peine quel- ques mots çà et là, chez un Xénophane ou chez un Hera- clite, sur la difficulté de saisir le vrai ; mais, repoussée d'un côté, elle recommençait de l'autre, avec une invinci- ble espérance. Après tant d'efforts, oii en était-elle ? La porte du temple résistait à tous les assauts; elle restait fermée. Dix fois on avait cru l'ouvrir, et toujours on s'a- percevait qu'on s'était trompé. On acquérait chaque jour des notions plus précises et plus justes sur le détail des choses, et les systèmes ingénieux sur l'ensemble de l'u- nivers s'accumulaient. Mais, en s'accumulant, ils se dé- truisaient les uns les autres, et les notions mêmes les plus justes ressemblaient plutôt à des hypothèses heu- reuses qu'à des faits prouvés. En revanche, dans cette lutte incessante contre la nature, l'esprit se trempait et s'affinait; ses facultés critiques et dialectiques allaient grandissant. Plus il avait multiplié les efi'orts infruc- tueux, plus il s'était rendu capable d'en découvrir la va- nité. La conséquence était forcée : avant de pousser dans de nouvelles directions, il fallait que l'esprit grec fit une halte. Les sophistes et les rhéteurs essayèrent de l'y décider; ils entreprirent de lui persuader que la vérité était inconnaissable, et qu'il y avait mieux à faire que d'user dans une vaine poursuite de l'absolu les forces que tant de travaux avaient accumulées en lui : mieux valait les consacrer à la vie pratique, à l'éloquence des tribunaux ou de l'assemblée ; l'utile avant le vrai. Ces

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