Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/596

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

584 CHAPITRE X. — HÉRODOTE

que tous les historiens anciens, lorsqu'ils s'imitent ou se copient les uns les autres, omettent généralement de se citer, et qu'Aristote lui-même, citant le Socrate des dia- logues platoniciens, dit souvent «Socrate », sans autre explication, et ne se croit pas pour cela coupable de mau- vaise foi. Affirmer, pour quelques omissions ou inexac- titudes de ce genre, auxquelles personne dans l'antiquité n'attachait la moindre importance, qu'Hérodote haïssait méchamment Hécatée , c'est oublier qu'Hérodot« lui- même, dans le récit de la révolte ionienne, a présenté d'Hécatée ot de son rôle l'image la plus capable d'inspi- rer de l'admiration pour l'intelligence, le courage et le patriotisme de ce devancier dont on prétend qu'il fut ja- loux. En résumé, la thèse nouvelle n'a nullement été démontrée. Après comme avant cette vive attaque, on est en droit de croire qu'Hérodote fut un honnête homme et que sa naïveté charmante n'est pas un raffinement d'hy- pocrisie ^

Mais, sans aller aussi loin que M. Sayce, il est permis de se demander, pour en finir avec ce côté moral de la question, si les sentiments d'Hérodote n'ont pas altéré parfois la vérité de ses récits et faussé ses jugements personnels ; s'il n'a pas été, comme beaucoup d'hommes d'ailleurs honnêtes, plus ou moins partial et passionné. C'est à peu près le reproche que lui faisait Plutarque, avec une véhémence, il est vrai, plus nuisible qu'utile à

1. Ce n'est pas à dire pourtant que le travail do M. Sayce ait été inutile. S'il n'en ressort pas qu'Hérodote soit un menteur, il oblige peut-être à mieux mesurer la différence qui sépare, au point de vue critique, Hérodote d'un savant moderne. Cette conclusion générale, il est vrai, n'est pas nouvelle (voir surtout les belles études que M. Maspero a publiées dans V Annuaire des Etudes grecques, en 1875, 1876, 1877 ot 1878, sous ce titre : Observations sur le Ih livr^ d'Iléro- dote); mais elle doit un surcroit de force au livre de M. Sayce. En outre, sur une foule de points particuliers, le savant anglais signale et corrige de la manière la plus intéressante les affirmations erronées d'Hérodote.

�� �