Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/620

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

608 CHAPITRE X. — HÉRODOTE

fait à toutes ces idées une large place, plus large même parfois que nous ne la ferions aujourd'hui : car des genres lilléraires primitivement confondus se sont peu à peu différenciés, et ce progrès, qui semble conforme à une loi de la vie universelle, a éliminé graduellement de riiistoire certaines catégories d'idées qu'Hérodote y fai- sait encore entrer : par exemple la politique purement théorique ou la morale purement abstraite. Il y a donc chez lui loute une partie réfléchie et spéculative, distincte des récits proprement dits. Comment s'exprimo-t-elle?

D'abord par des réflexions personîielles jetées à la rencontre. Dans Thistoire classique et grave, celle de Thucydide et de ses imitateurs, le moi do Thistorien se dissimule le plus possible. Chez Hérodote, au contraire^ les réflexions personnelles abondent, coupant sans cesse le récit, naïvement étalées, avec bonhomie et flnesse, à la Montaigne. Cela donne à tout son livre une apparence de causerie où le fil se brise et se renoue à chaque ins- tant. Il juge les personnes et les choses, il raisonne sur les oracles, il dit son avis sur les événements; s'il s'agit de phénomènes physiques et de ce qu'on appelle aujour- d'hui « sciences naturelles », il expose ses conjectures et SCS théories avec un laisser-aller très amusant : on voit que, de son temps, la science n est pas faîte; chacun la fait pour son compto, avec son tempérament et son humeur; c'est un sujet do causerie et de spéculation plus qu'un corps de doctrine \ Bref, sur tout sujet, Hérodote est toujours prêt à se mettre en scène et à s'étendre. Littérairement, ce procédé est très naïf ; scientifique- ment, il a l'avantage d'être très sincère : il ne dissimule aucun doute, aucune ignorance.

i. Voir, par exemple, ses réflexions sur la formation du Delta (II, 10 et 11), sur les crues du Nil (II, 24-26), sur la vallée du Pénée en Thessalie (VII, 29), etc. Il dit sans cesse : é^alveT^ |io(, â>c f aivtra^ (loi,

IfXllOpLfltt.

�� �