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PROCÉDÉS D'EXPOSITION 609

Mars Hérodote procède souvent aussî d'une autre façon : il dramatise ses réflexions et sa philosophie; il les place dans la bouche de ses personnages, qu'il met en scène à sa mode ordinaire. De temps en temps, la suite du récit est suspendue; quelques personnages de marque, Crésus et Solon, Darius et les seigneurs perses, Xerxès et Arta- ban, Xerxès et Démarate, occupent seuls la scène; ils se mettent à deviser sur la politique, sur la morale, sur les lois divines qui président à la destinée. C'est comme un intermède philosophique dans le développement des faits.

A propos d'un de ces entretiens (celui de Darius et des seigneurs perses, sur la meilleure forme de gouverne- ment), Hérodote va au devant d'une critique. Le récit, sans doute, ayant paru peu croyable \ l'historien y in- siste et affirme que les discours en question ont été réel- lement tenus *. Pour s'expliquer l'affirmation d'Hérodote, il faut bien supposer que l'idée première de la scène lui a été fournie par le narrateur inconnu dont il a suivi l'au- torité; mais il a certainement usé lui-même d'une liberté complète dans l'exécution, et l'entretien des seigneurs perses, sous la forme où nous le lisons aujourd'hui, porte au plus haut point la marque grecque. On peut admet- tre que les sept conjurés aient hésité réellement entre le rétablissement de la royauté et une sorte de partage oli- garchique du pouvoir : c'est peut-être ainsi que l'histoire fut contée à Hérodote. Mais tout le reste (notamment les considérations sur la démocratie) est évidemment fictif. Ici donc, la part de vérité est fort petite, et la liberté d'in- vention fort grande, pour le fond comme pour la forme. Cette conclusion s'applique à tous les autres entretiens du même genre. Les uns n'ont pu avoir de témoins qui

1. Dans quelque lecture, probablement, qu'il en avait faite avant la rôdaclion finale et la publication de son histoire.

2. III, 80, et VII, 43.

Hist. do la Litt. grecqaa. ^- T. II. 39

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