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610 CHAPITRE X. — HÉRODOTE

les aient racontés : par exemple la délibération de Xer- xès avec Artaban et Mardonius au début du vu** livre. D'autres, entre Xerxès et Démarate, entre Xerxès et Ar- taban, sont évidemment, pour une large part, des inven- tions postérieures aux événements. D'autres, enfin, sont impossibles, comme l'entretien de Crésus et de Solon, qui ne se sont jamais rencontrés. Les Grecs ont tou- jours aimé à mettre en rapports personnels les hommes célèbres qu'une chronologie complaisante pouvait à la rigueur rapprocher les uns des autres, par exemple Ho- mère et Hésiode, Solon et Anacharsis S etc. Il n'est pas probable qu'Hérodote, avec la conscience qu'il avait de ses devoirs d'historien, ait inventé de toutes pièces des scènes de cette sorte : il a dû en trouver le germe dans la tradition antérieure, soit orale, soit écrite. Mais, sur ces données légères et poétiques, il a librement construit de beaux développements généraux, sans nul scrupule d'exactitude minutieuse, uniquement conduit par l'attrait des idées ou par le désir d'expliquer les événements.

Le procédé était nouveau, comme au reste la pensée même d'introduire de la philosophie dans l'histoire. Mais pourquoi Hérodote, qui aime à mêler des réflexions à ses récits, ne s'est-il pas contente de faire çà et là quelques dissertations plus longues sur des sujets généraux, au lieu de mettre ses réflexions en dialogues et en discours? La sophistique, qui naissait alors, a pu contribuer à sa détermination. Cependant, le caractère des sophistes de ce temps est difi*érent : ils sont surtout dialecticiens, ce qu'Hérodote n'est nullement. Il est probable que c'est plutôt la tragédie, celle d'Eschyle et de Sophocle, qui a fourni à Hérodote cette mise en scène caractéristique. Quoi qu'il en soit, on démêle aisément les avantages et les

i. Cf. Plutarque, Solon^ 6 (fin). L'autorité alléguée par Plutarquo est celle de Patscos, qui disait avoir en lui Tâme d*Ësope : c'est mon- trer assez clairement le peu de foi que mérite ce genre de récits.

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