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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/627

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COMPOSITION 615

Dans celto variété extrême, les faits sont distribués par groupes harmonieux, de juste étendue, heureuse- ment divers par le sujet, tour à tour amusants et émou- vants. Et d'un groupe à l'autre, le passage est facile : les articulations du récit sont souples, assez marquées sans Tètre trop, habilement proportionnées à l'impor- tance du tableau qui va suivre. Parfois, quelques mots de transition suffisent; ailleurs (comme au début du vil® livre), Thistorien conduit son lecteur à un nouvel or- dre de faits par un ample exposé qui forme à l'édifice, selon le mot célèbre de Pindare, « une façade resplendis- sante » (TfîkoLxr^U iccoTcûTTov). Bref, il y a dans tout cet art bien de la finesse et de l'habileté instinctive.

Cette composition d'Hérodote ne ressemble tout à fait à aucune autre. Avant lui, l'art de composer n'existait pas encore. Après lui, sous l'influence de la rhétorique, il sera tout dillerent, plus rapide et plus concentré. Chez lui, un dernier reflet de l'épopée colore et égaie l'histoire. Les Athé- niens, qui aimaient tant Homère, durent goûter beau- coup Hérodote, malgré la rhétorique et la sophistique alors naissantes. C'est un grand charme, aujourd'hui encore, de se laisser ainsi porter sur ce beau fleuve sinueux au cours un peu lent, aux courbes agréablement variées, aux nombreux affluents qu'on remonte tour à tour et qu'on visite. On ne va pas vite et droit au terme du voyage. On ne fait pas non plus une reconnaissance complète et méthodique du pays. Mais on rencontre de belles échap- pées de vues, de frais paysages, et, parfois, des images lointaines et un peu vagues de hautes cités très ancien- nes et très étranges. On voyage moins en savant qu'en curieux; mais on observe, et Ton finit par arriver au but avec une idée juste du pays, acquise sans effort, dans un amusement continu de l'imagination.

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