Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/638

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dans Hérodote 1, la différence est frappante. La narration d’Hérodote est plus circonstanciée, plus amusante (ce mot revient toujours, quoi qu’on fasse, quand on parle d’Hérodote) : elle contient des oracles, des anecdotes, des épisodes pittoresques. Mais c’est dans le récit d’Eschyle qu’on trouve surtout, avec la netteté des grandes lignes, le pathétique sobre et le mouvement. D’où vient qu’Hérodote, écrivant après Eschyle, n’a pas gardé ces qualités en y joignant les siennes? C’est d’abord qu’il est Ionien, et que les qualités d’Eschyle sont surtout attiques ; c’est ensuite qu’il écrit en prose, et que la prose n’exalte pas encore toutes les facultés de l’esprit comme le fait la poésie : elle n’a pas encore le souffle, cl elle ne l’aura qu’après Gorgias et Antiphon, avec Thucydide. — Le récit de la bataille de Marathon ^ est plus lié, plus composé. La marche des événements y est claire et sensible. On voit d’abord les divisions des généraux, puis le vote final et les derniers préparatifs; les Athéniens s’élancent en courant; les principales péripéties de la lutte sont indiquées d’un trait net et simple. La victoire est gagnée. Suit le tableau du retour, l’histoire du bouclier des Alcméonidcs, puis l’énumération des trophées, des morts illustres, des miracles enfin qui ont accompagné la bataille. Tout ce récit est beau : il est ce- pendant assez différent de celui qu’un historien plus moderne aurait tracé des mêmes faits. D’abord, on ne comprend pas bien ce qu’est devenue la cavalerie perse pendant le combat, ni comment le rembarquement des vaincus a pu se faire devant les Athéniens victorieux^ : un Polybe eût raconté les opérations militaires avec plus de


1. VIII, 70-96 (ou, pour s’en tenir à la bataille proprement dite, 83-90).

2. VI, 109-117.

3. Cf. Curtius, Histoire ijrecque, t. II, p. 2o0 (trad. française).