Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

PROGRESSION DE L'INTÉRÊT 121

péripétie pour elle-même, pour la secousse qu'elle donne €^ la sensibilité, pour la surprise qu'elle cause à Tesprit. Dès lors il faut la compliquer pour la rendre plus éton- nante, plus brusque, pour la faire désirer ou craindre plus vivement. On voit naître ce que nous nommons in- trigue, c'est-à-dire une complication d'événements con- certés à iesseia par le poète en vue d 'effets inattendus . Les reconnaissances (avayvwptcéK;), à peine entrevues par Es- chyle, rarement, mais admirablement employées par So- phocle, deviennent un élément nécessaire du drame. Dès le dernier tiers du v® siècle, l'art tragique est maître de tous ses moyens et la progression des effets atteint alors en Grèce son plus haut degré de perfection.

Mais si l'art de compliquer et de conduire l'action va en se perfectionnant, il est incontestable que jamais pour- tant, jusqu'à la fin, l'influence des habitudes primitives n'a complètement disparu. Elle a été assez forte pour im- poser à la tragédie grecque des caractères propres très persistants. La simpHcité chez elle est fondamentale. Même quand les Grecs eurent décaissé ce qu'Aristote ap- pelle la tragédie simple (à-Xv} TpaycpSia) pour créer celle qu'il qualifie d'implexe (c\i[X7ce7cXey[j!.£VY)), leurs combinai- sons furent toujours bien moins savantes que celles des modernes. Non qu'ils n'imaginent des rencoatres aussi extraordinaires ; mais ce qui distingue leur manière de la nôtre, c'est qu'ils semblent bien moins préoccupés que nos poètes soit de renouveler constamment l'intérêt par des faits nouveaux, soit de faire en sorte que la si- tuation se tende de plus en plus. A cet égard, les défini- tions d'Aristote, si Ton n'y prenait garde, seraient même de nature à nous tromper. Elles se rapportent à la tragé- die grecque idéale, mais par là même elles ne conviennent complètement qu'à un petit nombre de tragédies réelles. En fait, il y a dos tragédies admirables dans le théâtre grec, — et non pas des tragédies primitives, mais de celles

�� �