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XbO CHAPITRE IV. — LA TRAGÉDIE ET SES LOIS

pas douteux, c'était toujours, sans distinction de scènes chantées et de scènes parlées, à travers le lyrisme.

De bonne heure, il est vrai, et probablement dès la fin du VI® siècle, elle réduisit la part du tétramètre trochaï- que, mal approprié à la gravité pompeuse dont elle ten- dait à faire son idéal. Que l'influence de l'épopée ait été pour quelque chose dans ce changement, cela est possi- ble. Toutefois qtiand la tragédie adopta un nouveau mè- tre pour ses récits et ses dialogues, elle ne s'adressa pas, cette fois non plus, à Thexamètre épique. Celui dont elle fît choix fut Tiambique trimètre. Illustré autre- fois par Archiloque, puis par ses successeurs, ce rythme avait perdu assurément dans l'usage quelque chose du caractère très défini que les maîtres de la poésie mo- queuse lui avaient donné. Pourtant il est bien clair qu'il restait toujours fort différent, quant au ton, de l'hexa- mètre épique. L'égalité et l'ampleur qui distinguaient celui-ci lui étaient étrangères. Il avait une sorte d'élan un peu court, et, comme l'a dit Horace, quelque chose d'actif, qui rappelait les tours libres et souvent brus- ques de la conversation ordinaire. Ce fut là précisément ce qui le fit choisir pour le drame. Par là même, cette forme de l'art accusait nettement ce qu'elle voulait et marquait bien la conscience très nette qu'elle avait de différer sensiblement de l'épopée. Sur ce rythme d'action la tragédie jeta ses locutions pompeuses, ses expressions hardies et sonores, toute cette décoration extérieure du langage qui lui donnait si grand air au temps d'Eschyle. Mais tout cela encore, ce n'était pas à l'épopée qu'elle l'empruntait, pour la plus grande partie du moins; c'était plutôt à la poésie lyrique et en particulier au dithyrambe. De quelque côté qu'on regarde la tragédie, c'est donc toujours le lyrisme qui lui est le plus prochain, et si l'épopée, elle aussi, y apparaît partout, c'est du moins dans une sorte de lointain relatif.

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