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152 CHAPITRE IV. — LA TRAGÉDIE ET SES LOIS

Toute r agilité de l'esprit grec y entre en jeu ; la subti- lité logique y vient en aide à la passion. Outre le don de l'expression fine et acérée, l'invention prompte des for- mules concises y fait merveille. Quelquefois, au lieu de procéder vers par vers, le dialogue procède par demi- vers, quelquefois au contraire par groupes de deux vers. Grâce à ces artifices très simples, le poète a sous la main trois ou quatre formes de dialogue, répondant à des états d'esprit divers. En les entremêlant de diverses manières, il peut varier, selon les besoins, l'architecture générale de chaque scène; et il le fait toujours suivant un certain ordre général qu'une observation attentive n'a pas de peine à démêler. Sorte d'art très délicat, tout à fait étran- ger à l'épopée, et en réalité aussi lyrique que drama- tique.

S'il y a des parties où l'influence de l'épopée se fasse sentir, ce sont évidemment les p-yjceiç. Il en est de plusieurs sortes. Les unes sont des narrations, les autres des ex- posés de sentiments, d'autres encore de véritables plai- doyers. Les dernières attestent d'une manière frappante les progrès de la dialectique en Grèce. On y suit en quel- que sorte l'histoire de la rhétorique contemporaine. Nous y reviendrons à propos de Sophocle et d'Euripide. Quant aux premières, elles constituent ce qu'on pourrait nom- mer la partie épique de la tragédie, et par suite il n'est pas surprenant que dès le temps d'Eschyle elles y apparais- sent dans tout leur éclat. Leur forme la plus parfaite, ce sont les récits de messagers {priaeiç àyyEXixxl). En parlant plus haut des messagers, nous avons fait comprendre pourquoi il n'y a presque pas de tragédie grecque sans récit de ce genre. Les Grecs, habitués aux récitations rhapsodiques, écoutaient ces narrations tragiques avec des sentiments assez différents de ceux d'un public mo- derne. Sachant d'ailleurs qu'on ne pouvait pas leur mon- trer les choses racontées, ils n'éprouvaient aucune impa-

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