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158 CHAPITRE IV. — LA TRAGÉDIE ET SES LOIS

ressemblance vive avec la réalité, partout sensible sous la pompe tragique, c'est justement ce qui l'empêche de paraître, malgré Tartifice, une langue artiflcielle. Ces hé- ros majestueux ont à chaque instant des mots simples, vivants, qui faisaient vibrer toute âme athénienne. Leur langage imitait l'élocution naïve, mais il se tenait au-des- sus du parler commun (to (SudTi>t6v). Les poètes comi- ques s'en moquaient fréquemment, et rien n'était plus facile, car mainte expression ou construction de mots, prise isolément, avait quelque chose dMnsolite qui exci- tait le rire *. L'art des poètes était de composer avec ces mots et formes de provenance diverse un tissu poétique aux vives couleurs et sans disparate.

��IX

Il n'est pas surprenant qu'un genre littéraire si com- plet, qui s'était ainsi formé de tous les autres en absor- bant ce qu'il y avait de meilleur en eux, ait pris, dès qu'il fut en possession de tous ses moyens, une impor- tance morale incomparable. La tragédie, au v® siècle, remplace l'épopée et le lyrisme héroïque; elle est en même temps une des formes de l'histoire, de l'éloquence, de la philosophie morale. C'est vraiment un genre uni- versel, qui captive les cœurs par tous leurs sentiments profonds, qui intéresse les esprits à la fois par les idées les plus anciennes et les plus neuves, qui enchante les- imaginations par le spectacle de la vie humaine sous sa forme la plus noble, qui charme les yeux et les oreil- les par l'union de ce qu'il y a de plus puissant alors dans

1. D'après Aristote (même passage), un certain Ariphradès tour- nait en dérision les poètes tragiques parce qu'ils s'exprimaient comme personne ne le faisait en Grèce, par exemple quand ils disaient ôpajxa- xa)v ocTco au lieu d'àub Spaixaxcov, ou encore o-éôsv, ou èyî^ ôé viv, ou 'Axi^^éto; Tript. Aristote ajoute : Aià fcip to [jlyi eTvai èv xoîç xupioi; TcoteT TO (JLT, lû:a)Ttxbv èv t^ Xs^et aTtavTa Ta TOiauxa * éxeîvoc Ôà xoOto ■^lyvôei.

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