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LANGUE DE LA TRAGÉDIE 157

fonds commun où tous les poètes étaient autorisés à ve- nir puiser*. Ceux de la tragédie continuèrent à user de ce droit; seulement ils le tempérèrent eux-mêmes par un sentiment très juste des convenances de leur art. Les formes ioniennes de la langue d'Homère avaient une sorte de grâce archaïque qui était en désaccord avec Tes- prit de la tragédie. Ils les rejetèrent donc absolument. Au contraire, ils gardèrent beaucoup d'expressions épi- ques que le langage commun n'avait jamais adoptées. Ces façons de parler, anciennes et poétiques, en se mê- lant, dans le dialogue même, à d'autres plus courantes, prêtaient à la langue des héros de la scène un caractère idéal qui était en rapport avec leurs sentiments et leur costume. Cela les distinguait immédiatement du vulgaire et faisait sentir qu'ils appartenaient à une humanité su- périeure, presque divine.

Mais, en définitive, ni l'élément épique ni Télément ly- rique ne constituent le fond du langage tragique. Celui-ci est attique, et c'est à son atticisme qu'il doit son carac- tère dominant et ses mérites principaux. Il est attique, sauf les exceptions signalées, par les formes des mots, par leur choix, par les locutions, par la syntaxe, par les tours de phrase. Bien qu'idéalisé, le langage de la scène est l'image de celui de la bonne société athénienne; et s'il s'en distingue visiblement par la hardiesse, par l'éclat, par la couleur poétique, il l'imite de près par la préci- sion des termes, par la saveur de l'expression, par la vi- vacité des tours, par l'élégance forte et concise ^. Cette

1. H. Weil, préface des Sept tragédies d'Euripide, p. xlvii : « Ho- mère est le père de la langue littéraire de la Grèce, et il serait bon de le savoir par cœur, afin de bien comprendre tous les auteurs qui ont écrit dans sa langue. »

2. Aristote {Poétique, c. 22) distingue, en fait de langage, ce qui convient au dialogue iambique, à l'épopée, au dithyrambe, et il ajoute : 'Ev Ôà toïç laixêstotç, ôtà to Ôtt (jLàXitTTa XéÇtv (jLijieïaÔat, -raOTa àp- ILirret tcov ôvo(i,àTa>v ôdotç xàv èv Xi^oiç tt; ^P^^*'"^® * '^^"' ^^ "^^ toiaOta xo xupiov xoLi (letaçopà %u\ x67(i.oc.

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