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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/208

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196 CHAPITRE V. — ESCHYLE

Erinnyes vengeresses ; maïs, juste ou non, il est l'œu- vre consciente do Loxias; le dieu Ta voulu^ rhomme, qui s*y donne tout entier, n*est en réalité que son instrument. Le développement de cette idée se poursuit dans les Eiimniides. Si Eschyle avait pris pour sujet les souffrances morales d'Oreste et leur apaisement, qui ne sent combien le drame serait différent? Maïs le problème religieux et moral a pour lui plus d'attrait, et toute la pièce est faite pour en mettre le débat et la solu- tion en pltMne lumière ^ De là l'importance des rôles des Erinnyes, d'Apollon et d'Alhéna, de là l'étendue et la subtilité du procès ; et si Oreste reste le protagoniste, c'est par une sorte de nécessité, à laquelle Eschyle a fait vraiment la part aussi petite que possible.

Toutefois il faudrait bien se garder de croire que cette intention prédominante soit le moins du monde contraire chez Eschyle à la préoccupation dramatique proprement dite. Pour que la conception générale ait tout son effet, il est nécessaire que l'action soit forte, et elle ne peut Têtre que si les situations sont intéressantes. Ce qui fait la valeur des événements dans le drame, ce sont les émo- tions qu'ils font naître chez ceux qui en sont les acteurs ou les victimes. Montrer les espé'*ances qu'ils détruisent, les craintes qu'ils justifient, les haines qu'ils satisfont, les terreurs qu'ils font naître, voilà le principe et la loi même du théâtre. Eschyle en a profondément conscience. Epris de théologie, il est pourtant très humain. Un ins- tinct sûr de grand poète tragique, associé sans doute à un calcul très réfléchi, le mène droit, dans la composi- tion si simple de ses pièces, à la souffrance et à la pas- sion. Point de scène, pour ainsi dire, où quelque senti- ment profond ne soit vivement excité. On peut le trouver monotone, mais jamais froid ni languissant. D'ailleurs la marche divine de l'action se traduit dans les choses hu-

1. Voir Gourdaveaux, Eschyle, Xénophon et Virgile, Paris, 1872.

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