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308 CHAPITRE VII. — EURIPIDE

monter en elles la sève de la vie sans hâter encore la maturité. Les images qui plaisaient le plus à son esprit étaient celles, non de la grandeur ni de la beauté par- faite, mais de la grâce, des formes agréables, des spec- tacles riants, des sensations douces et variées. It aime à peindre, dans ses chœurs principalement, les aspects aimables de la nature, les sources, les bois, les prairies en fleurs, les eaux courantes, les troupeaux, la montagne égayée par les jeux do ses divinités, la mer parsemée d'îles, ouverte aux vaisseaux, lumineuse et comme sou- riante sous la clarté du soleil, la brise qui frémit dans les cordages en imitant le murmure aigu et joyeux de la flûte de Pan. Si sa pensée est parfois inquiète et sombre, son imagination ne l'est guère, spontanément du moins. Outre la grâce, elle a le charme de la fantaisie, elle est mobile et légère, capricieuse même, allant vive- ment d'un objet à l'autre. Fine et ingénieuse comme son esprit, elle séduit et elle amuse souvent plus qu'elle ne frappe. Elle se plaît aux détails, elle se joue volontiers à la surface des choses ; et toutefois, dans les récits pa- thétiques, quand elle doit nous représenter des actions terribles ou des situations dignes de pitié, elle a aussi de la grandeur et de la noblesse. La vision poétique chez Euripide est pure, elle est limpide ; les images ne se mê- lent pas les unes aux autres ; les couleurs et les sons, les formes et les mouvements ne se pressent jamais, comme chez Eschyle par exemple, en une sorte de tumulte; tous ces éléments ne se fondent pas non plus, comme chez Sophocle, en une harmonie riche et solide, écla- tante et profonde ; le tissu du rêve est ici plus mince ; c'est une fine étoffe, souple et ondoyante, dont la bro- derie court et se déploie pour le plaisir de l'œil en un dessin facile et brillant.

Derrière cette imagination, se laisse deviner une sen- sibilité qui a aussi son caractère propre. Si on la com-

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