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L'OBSERVATION 333

fourbe, mais un égoïste froid, et par conséquent sans grandeur. Il veut faire périr un enfant et une femme dans l'intérêt de sa fille, pour servir sa jalousie, et il le Yeui sans passion, en calculateur et en raisonneur. Il fait la théorie de sa cruauté, il se moque impudemment de toute loyauté, il est odieux et cynique. Ulysse, dans Bécube, lorsqu'il repousse les prières éplorées de la mère qui veut sauver sa fille, obéit à des motifs élevés, puisqu'il sert un intérêt public; mais il le sert avec une dureté voulue, il se joue du reproche d'ingratitude avec une sorte d'indiB'érence qui dénote Thomme rompu au métier de la politique. Jason, dans Médée, est un person- nage de même sorte. Corneille no Ta pas mal compris au fond, quand il lui fait dire, plus en Normand toutefois qu'en Athénien :

J'accommode ma llarame au bien de mes affaires.

Les dehors seuls dans la pièce grecque sont autres. Correct et habile, élégamment maître de lui-même sous les injures les plus méritées, il ne voit dans la vie que l'intérêt bien entendu, l'intérêt décent et honorable. Il ex- pose ses principes avec esprit et en beau langage. Ce n'est pas un malhonnête homme, c'est tout simplement un homme comme beaucoup d'autres, un Calliclès ou un Callias, qui a les idées et le ton de la bonne société con- temporaine. En ce genre, le vieux Phérès à'Alceste^sih la fois le meilleur et le plus étonnant. Son fils Admète, — qui tient de lui, — Ta vainement prié de vouloir bien mourir à sa place. Le vieillard a refusé de l'entendre, sachant le prix de la vie. C'est la tendre et généreuse Al- cestequi s'est dévouée. Quand elle est morte, Phérès ar- rive ; il vient lui rendre honneur et la pleurer. Mais Ad- mète à présent ne veut plus le voir, et, dans une scène qui a scandalisé plus d'un lecteur, il lui reproche son égoïsme ; cela n'embarrasse pas le vieillard, qui explique

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