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LE POÈTE LYRIQUE 839

bien plutôt rélément descriptif. Son imagination facile et brillante aime à y représenter, sans aucun effort de concentration, les a&pects divers de la nature, ou à y dé- rouler des scènes qui se succèdent en longues énuméra- tions, ou simplement à y mêler au hasard des souvenirs mythologiques. Parfois ces descriptions lyriques sont re- marquables par l'éclat et par le mouvement. La parodos des Bacchantes nous fait sentir vraiment, dans son inco- hérence tumultueuse, le transport qui agite le chœur :

« Ah! que Bacchus est beau dans la montagne, quand du milieu des thiases courants, lise jette à terre, vêtu de la sainte nébride! Chasseur avide du sang des boucs, ivre de chair pal- pitante, ilVemporte jusqu'aux cimes phrygiennes, jusqu'aux monts de Lydie ! En tête du chœur, voici Bromios, évohé ! Du sol coulent des ruisseaux de lait, des ruisseaux de vin, des ruisseaux de miel, nectar des abeilles; du sol monte une va- peur pareille à l'encens de Syrie. Et Bacchus, tenant en guise de torche la tige de férule d'où jaillit la flamme de la résine, bondit en courant. Çà et là, il excite la danse en détours vaga- bonds, et à grands cris il presse le chœur, faisant voler dans les airs son épaisse chevelure. En même temps, dans la vocifé- ration joyeuse, frémit son appel : Allez, Bacchantes, allez, tou- tes, parées de l'or du Tmolos; célébrez Dionysos au grondement sourd de vos tambourins, saluez de vos cris le dieu d'évohé, saluez-le de la clameur phrygienne, quand le roseau sonore, le lotos sacré, se jouera en saints murmures, chers à la troupe qui vole, transportée, à la montagne, à la montagne ! Alors, toute joyeuse, comme le poulain prés de sa mère dans les pâ- turages, la jeune Bacchante bondit d'un pied rapide*. »

Plus souvent, c'est par Télégance, par la grâce, par une sorte de suavité du rythme et de l'image que se recommandent ces chants. Le sentiment de la nature est vif chez Euripide. Il excelle à en décrire la sérénité, comme dans ce beau chœur d*Hélène, où les jeunes filles grecques se représentent la mer apaisée pour le

1. Bacchantes^ 135 et suiv.

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