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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/382

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370 CHAPITRE VIII. — TRAGIQUES DE SECOND RANG

la divinité dans un lieu convenable et il a substitué le règne des lois à la violence dévorante... C'est ainsi, selon moi, qu'un homme a le premier persuadé aux mortels qu'il y avait une race de dieux *. »

Si cette profession d athéisme a été portée sur la scène, on se demande par quel artifice le poète a pu la faire accepter du public contemporain ; si elle ne l'a pas été, nous avons là un curieux monument, qui nous montre la tragédie à tendance, destinée à être lue, suc- cédant à la tragédie vraiment dramatique.

Mais, à côté de cette tragédie sentencieuse et philoso- phique, il s'en formait une autre bien différente, repré- sentée par Karkinos et ses trois fils, Xénoclès, Xénotimos et Xénarque ; tragédie dont le succès commença dès le temps de la guerre du Péloponnèse et se prolongea pendant le premier quart du siècle suivant. Karkinos et ses fils sont raillés par Aristophane et par d'autres poètes comiques du même temps. Pourtant nous voyons qu'entre 41G et 413 Xénoclès, ayant fait jouer une té- tralogie libre qui comprenait un OEdipe, un Lycaon, des Bacchantes et un Athamas satyrique, fut vainqueur d'Eu- ripide, qui donnait au public Alexandi^e^ PalamèdCy les Troyennes et le drame satyrique Sisyphe ^. Plus tard, VAérope de Karkinos était représentée à Phères devant le tyran Jason, qui régna de 475 à 470, et lui arrachait des larmes qu'il essayait en vain de dissimuler ^. Ajou- tons qu'enfin Aristote, dans sa Poétique et dans sa Rhéto- riqtie^ cite fréquemment Karkinos comme un des poètes alors connus et estimés. De ces citations on peut con- clure que Karkinos, comme ses contemporains, avait le goût de l'argumentation oratoire, qu'il lui faisait une

1. Sextus Empiricus, p. 403, 1 et 172, d8. Je traduis sur le texte donné par Nauck dans ses Tragic. grœc, fragm., p. 598.

2. Élien, HisL variée, II, 8.

3. Élion, Hist, variée, XIV, 40.

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