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HÉRACLÈS 405

de rivresse ait enveloppé et embrasé tout son être. Alors il cou- ronne sa tête de rameaux de myrte, et, en dépit des Muses, se met à hurler. On entendait retentir des accents bien con- traires : lui, il chantait, outrageant par le bruit de sa voix le deuil de la demeure d'Alceste ; et nous, les serviteurs, nous pleurions notre maîtresse *. »

Voilà une entrée qui est d'un rustre. Héraclès ne devait pas jouer un rôle beaucoup plus noble dans cer- taines parties au moins des deux Omphale d'Ion et d'A- chéos, ni dans la plupart des autres pièces où il figurait. Celui qu'Euripide lui avait attribué dans son Sijleus nous est connu par une analyse anonyme ^. Le héros était mis en vente et acheté comme esclave par Syleus : celui- ci l'envoyait à sa campagne pour cultiver la vigne. Là, le prétendu esclave s'armait d'une pioche, ravageait le champ, déracinait les souches qu'il emportait sur son dos, allumait un grand feu, y faisait cuire des pains énormes, immolait aux dieux le plus fort des deux bœufs de son maître, puis, brisant le cellier, arrachant le cou- vercle du plus gros tonneau, il se faisait une table avec les planches de la porte, buvait et mangeait en chantant à tue-tcto, terriCait l'intendant par ses regards épou- vantables, le forçait à lui apporter des fruits et des gâ- teaux, et finalement détournait un fleuve dans le domaine et inondait tout. Si les satyres manquaient à celte pièce, comme on l'a supposé, on peut dire qu'Héraclès les rem- plaçait avantageusement. Et pourtant,chose bien curieuse, la dignité tragique était si naturelle aux héros de ce genre de drames qu'ils la retrouvaient par moments, jusque dans les situations où elle semblait le plus com- promise. Dans Alceste, après la scène indiquée, Héraclès, apprenant que son hôte pleurait sa femme, devenait soudain tout autre. Honteux de lui-même, il ne songeait

i. Alceste, 747 et suiv.

2. Anecdota Pavisiensia de Cramer, I, p. 7.

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