Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/429

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ment dionysiaque. C’est là l’idée dont il faut se pénétrer tout d’abord pour en bien comprendre la vraie nature et pour en apprécier sainement les conditions générales. Toutefois, comme la tragédie aussi, elle a mêlé dès le premier jour à l’élément religieux un élément profane, qui se dissimulait d’abord sous le couvert de la fête, mais qui a grandi rapidement et qui a fini par devenir prédominant. Si la tragédie se rattache à l’épopée et au lyrisme choral, la comédie se relie non moins évidemment à l’ancienne poésie gnomique, et surtout à la poésie iambique, dont elle n’est en quelque sorte qu’une transformation. En remontant dans le passé, au delà d’Eschyle et de Thespis, nous apercevions Homère et les Cycliques, Arion et Stésichore ; et de même, au delà de Magnés et de Cratinos, nous apercevons Hésiode, l’auteur inconnu du Margitès, Archiloque, Simonide d’Amorgos, Hipponax.

Gardons-nous toutefois de parler trop tôt d’intentions sérieuses et de raison, même satirique. La comédie grecque a commencé par l’ivresse, le tumulte et la bouffonnerie ; elle n’est devenue raisonnable que peu à peu, et il lui a fallu deux siècles pour le devenir tout à fait. Si nous voulons nous la représenter au naturel, considérons-la d’abord dans cette longue enfance tapageuse, où tout en elle est grossièreté, où elle se démène et se débride en pleine folie, où elle vit avec joie dans l’incongruité native qui est son élément.

Nous voici de nouveau ramenés à ces Dionysies du sixième siècle, d’où nous avons vu sortir la tragédie, à ces fêtes rustiques de l’hiver, où le paysan grec mettait en perce ses tonneaux et goûtait pour la première fois le vin de l’année, tout jeune encore. Le chant du chœur qui dans chaque village se groupait autour de l’autel du dieu et y chantait le dithyrambe donna naissance à la tragédie, puis au drame satyrique ; le reste de la fête se transforma non moins naturellement en comédie. Mais,