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SES TENDANCES GÉNÉRALES 525

dont il n'est pas moins fier. Et il y croit, à ce rôle, parce que toute sa nature y trouve son compte. D'ailleurs, l'ayant fait sien, il le sert de tout son pouvoir : il a be- soin de griefs, et il en trouve. Ce qu'il leur demande, ce n'est pas d'être justes, c'est d'être dramatiques. Tout ce qui lui vient à l'esprit, tout ce qu'il recueille on fait de propos courants, il le juge d'après l'effet qu'il en attend, Pour que cet effet réponde à son intention, il lui suffit d'une certaine vérité générale qui donnera de la gran- deur et de la force à son œuvre. Quant à la vérité par- ticulière, — celle qui touche aux hommes, — il n'en a pas le moindre souci. On ne peut pas dire qu'il la mé- prise. A ses yeux, elle ne fait pas partie du genre auquel il s'est donné ; c'est une chose étrangère, qui a peut-être sa place ailleurs, mais dont il n'a pas affaire, car per- sonne ne la lui demande et il ne la promet à personne K

Gela étant, il faut s'attendre à rencontrer chez lui cer- taines tendances générales, qui, toutes ensemble, compo- sent son rôle, mais aussi des contradictions notables, et surtout des incidents de polémique auxquels on doit bien se garder d'attribuer un sens trop sérieux.

Il attaque tous les chefs du peuple successivement, Périclès, Cléon, Hyperbolos, Cléophon, les hommes de guerre de la démocratie, tels que Lamachos. A Périclès, il reproche d'être asservi à une femme et d'avoir jeté la Grèce dans une guerre terrible pour son intérêt person- nel ; à Cléon, de tromper le peuple par les plus basses flatteries et les plus ridicules mensonges, de s'approprier le mérite et le succès des autres, d'exercer une sorte de terreur tant sur les citoyens pauvres que sur les alliés et de se faire payer par eux pour les épargner, enfin

1. H. Mûller-Striibing, Aristophanes und die historische Kritik, Leip- zig, 1873, introduction. Dans ce morceau, qui a trop le ton et les dé- fauts d'un pamphlet, il y a pourtant beaucoup de vues justes. L'ou- vrage, dans son ensemble, est important.

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