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526 CHAPITRE XII. — ARISTOPHANE

de réaliser des profits coupables partout où il le peut; à Hyperbolos, de pousser le peuple à des entreprises insensées et de voler les deniers publics; à Lamachos, d'entretenir par ses fanfaronnades une guerre dont il tire profit(1). Je ne signale que les reproches, je ne parle pas des insultes. Voilà de graves accusations. Les dis- cuter une à une, comme si elles représentaient l'opinion réfléchie d'un contemporain, c'est vraiment faire trop d'honneur à la comédie et méconnaître même son esprit. Ce sont des bruits publics, des choses qui se disent à tort ou à raison. Le poète s'en empare, parce qu'elles ré- pondent à son intention ; sait-il lui même s'il y croit réellement ? S'est-il donné la peine d'examiner de près un seul de ces griefs ? A-t-il la prétention d'être cru sur parole par son public ? Écrit-il l'histoire ou parle-t-il en aocusateur devant un tribunal? La seule chose qu'il se propose, d'une manière générale, c'est de mettre le peuple en défiance. Plus tard, s'il y a lieu, on discernera le vrai du faux : une comédie n'est pas un jugement défi- nitif, c'est un avertissement utile, tout de circonstance, sous forme de bouffonnerie satirique. Une seule vérité peut-être lui est à cœur, une vérité générale et non par- ticulière ; c'est que le flatteur des passions de la foule est le plus grand ennemi du peuple. Voilà ce qu'il dit à tout propos, sous mille formes. Quant aux hommes, il en fait une matière à sarcasme et à plaisanteries, il donne cours contre eux à sa malignité, à ses rancunes, à ses fantaisies, il ramasse sans scrupule toutes les calomnies, il les insulte follement et il se joue d'eux; mais, en fai- sant tout cela, il ne les juge pas. Nous ignorerons tou- jours quelle opinion Aristophane avait réellement de Périclès, — à supposer qu'il en eût une.


1. Pour Périclès, Acharniens, 523 sqq ; pour Cléon, toute la pièce des Chevaliers ;pour Hyperbolos, Chevaliers, 1313 sqq. et Nuées, 1065; pour Lamachos, son rôle dans les Acharniens,

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