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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/540

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528 CHAPITRE XII. — ARISTOPHANE

pait souvent et qu'il est aisé de mentir quand on vient de loin. Voilà dans quel esprit, bien certainement, la plu- part des inventions d'Aristophane ont été conçues. C'est nous, modernes, qui trop souvent y mettons des idées précises, visant à des conclusions pratiques. Nous fai- sons du Démos des Chevaliers la figure vivante de la démocratie. Cela tient à ce que, avec le temps, les per- sonnages d'un grand poète subissent une sorte d'agran- dissement nécessaire : deux mille ans d'existence leur donnent une valeur qu'ils n'avaient nullement quand ils sont nés. Pour les Athéniens, en 424 avant notre ère, Démos était une simple caricature, non pas même du peuple tout entier, mais de quelques-uns de ses travers ou de quelques-unes de ses faiblesses. Chacun reconnais- sait dans cette image la bêtise, l'égoïsme, la grossièreté d'instincts qu'il avait si souvent constatés, non pas en lui-même, mais chez bon nombre de ses concitoyens. Ce qu'il y avait de passable et même de bon en Démos était vraiment du peuple: le reste passait pour l'amusante sa- tire des imbéciles qui abondent partout. Enfin de compte, nous voyons bien qu'Aristophane a signalé beaucoup de ridicules, plus ou moins graves, qui sont surtout démo- cratiques, et la raison en est évidente: il vivait dans une démocratie. Quant à soutenir qu'il était par conséquent l'ennemi secret du gouvernement populaire, c'est mettre gratuitement des idées bien systématiques dans une tête où le souffle capricieux de la fantaisie ne leur permettait guère de se poser.

Dirons-nous du moins que, en ce qui concerne les mœurs, les arts, la littérature, son hostilité à l'égard des choses nouvelles provenait d'un fond d'idées plus sérieuses ? N'oublions pas d'abord que Platon, dans son Banquet, nous le représente comme un bon vivant, joyeux convive, conteur à la fois plaisant et fantaisiste. Tout cela ne convient guère à un censeur austère, défen-

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